ASSOCIATION
POUR LA SAUVEGARDE
DE L'ANCIENNE EGLISE
SAINT-OUEN
DE RUBREMONT
L'EGLISE
SAINT-OUEN DE RUBREMONT
Au cœur du pays d’Ouche en Normandie, et de l’ancien village campagnard de Rubremont [i] devenu hameau de la commune de Bosc-Renoult-en-Ouche, construit à proximité immédiate de la Risle sur la route reliant La Barre-en-Ouche à Beaumesnil, une ancienne petite église millénaire, d’origine prestigieuse mais oubliée depuis deux siècles dans l’usage de grange, a reçu en 2013 une double distinction notable de la Sauvegarde de l’Art Français et de la Fondation du Patrimoine.
DESCRIPTION DE L'EGLISE SAINT-OUEN DE RUBREMONT (XI-XIII et XVIème siècles)
La première approche du plan de l’édifice permet déjà d’en définir deux particularités. La première, pour la nef et l’avant-chœur, tient à la coexistence et à l’indépendance des murs d’une part, et de la charpente qui soutient la toiture, dont on voit sur le plan les piliers adossés aux murs, d’autre part. Cette spécificité s’observe dans d’autres édifices du sud de l’Eure [II].
La deuxième particularité de l’église tient aux grosses pierres de grès qui servent d’assise aux principaux chaînages d’angles de l’édifice, et qui débordent très largement le nu du mur. Ce procédé peu commun d’assise s’observe ici aux angles du mur pignon ouest de l’église, mais aussi sous le contrefort qui soutient le mur pignon. Le débord des trois grosses pierres oblongues du mur pignon ouest peut atteindre l’ancienne mesure de deux ou trois pieds.
Les matériaux utilisés pour la construction sont entièrement traditionnels et de provenance locale ; une maçonnerie en blocage principalement de silex, enduite, dans laquelle on trouve, épars, du grès, du poudingue et du grison ; réservées aux baies et chaînages d’angle, des pierres de taille de grès et de grison.
L’emploi du grison est à souligner à Saint-Ouen de Rubremont sur le mur pignon ouest : le chaînage d’angle nord-ouest ; le contrefort qui soutient le mur pignon en son milieu ; une série de pierres de grison posées en ligne horizontale dans la partie haute du pignon et une petite armoire murale dans la partie intérieure du mur. «Cette pierre qui est tout à fait spécifique du sud de l’Eure et du nord de l’Eure-et-Loir a des qualités en terme de résistance à la pression importantes et qui sont, depuis le XIIème siècle, complètement ignorées tant cette pierre est difficile à trouver »[III].
Mille ans d’histoire normande pour l’église Saint-Ouen de Rubremont, à préserver !, parviennent jusqu’à aujourd’hui avec un témoignage riche pour ce morceau du pays d’Ouche. Couverture, charpente, maçonnerie, vitraux, enduits, peintures de l’église, appellent l’aide nécessaire de mécènes sensibles au patrimoine et à la beauté de l’architecture médiévale.
Restitution de vue de l'église avant 1789
HISTOIRE DE L'EGLISE SAINT OUEN DE RUBREMONT
L’abbé Guéry rappelle que « l’abbaye de Lyre, dès son origine, eut le patronage de l'église [de Rubremont] (Chartes n° 19, 40, etc.). Rubremont faisait, en effet, partie de la dotation d'Adelise [de Tosny], épouse du fondateur, et la seigneurie fut également donnée avec l’église ».[IV]
La fondation de l’abbaye de Lyre, en pays d’Ouche, par le célèbre Guillaume de Crépon, dit Fitz-Osbern, et sa femme Adelise de Tosny, se situe aux alentours de l’an 1046. Adelise de Tosny, a pu faire don à l’abbaye de Lyre de son droit canonique de patronage sur l'église de Rubremont, en même temps que la seigneurie de Rubremont. Toutefois, L'observation archéologique des murs de l'édifice par Nicolas Wazylyszyn, archéologue du bâti de la D.R.A.C., et en particulier le constat de l'arcature du jour préroman assise à même la maçonnerie de blocage du mur nord, a pu lui faire avancer une datation antérieure de la partie la plus ancienne de l'église aux alentours du dernier quart du 10ème siècle, ou du tout début du 11ème siècle.
Sixième des huit enfants de Roger de Tosny, grand-gonfalonier de Normandie et fondateur de Conches-en-Ouche, Adelise de Tosny est la femme de Guillaume de Crépon, dit Fitz-Osbern, (1027-1071), comte palatin d’Hereford, comte de Passy, comte de Leicester, seigneur de Breteuil, grand maître et sénéchal de Normandie. Guillaume Fitz-Osbern s’est illustré notamment dans la conquête de l’Angleterre aux côtés de son cousin Guillaume le Conquérant. Ses possessions anglaises octroyées par Guillaume le Conquérant, et normandes, ont largement contribué à doter l’abbaye de Lyre qu’il a fondée avec sa femme. Guillaume Fitz-Osbern aurait porté comme blason : «d’argent, au cerf d’azur passant et sommé d’or»[V].
A sa mort, Adelise de Tosny est enterrée dans le cloître de l’abbaye Notre-Dame de Lyre, et son gisant, sculpté au XVIème siècle, est conservé aujourd’hui dans le chœur de l’église de la Vieille-Lyre[VI].
De nombreuses chartes de l’abbaye de Lyre concernent Rubremont. Dès le XIème siècle et jusquà la Révolution française, l’église de Rubremont connaît donc le patronage de l’abbaye bénédictine Notre-Dame de Lyre, voisine d’environ deux lieues ;
L’église de Rubremont est dédiée au grand saint normand, saint Ouen, mort en 686. Le département de l’Eure compte aujourd’hui neuf autres églises dédiées à saint Ouen : Gisay-la-Coudre, Chanteloup, Drucourt, Duranville, Epreville en Roumois, Fayelle sur la commune de Vandrimare, Berthonville, Thuit-Signol et Les Minières.
Après 1792, le village de Rubremont est rattaché à la commune créée de Bosc-Renoult-en-Ouche, et l’église Sainte-Eugénie de Bosc-Renoult-en-Ouche devient alors l’unique église paroissiale. L’église Saint-Ouen de Rubremont ne recouvrera pas son statut d’église paroissiale.
L’ancienne église de Rubremont est convertie en grange et, passant par la propriété de plusieurs agriculteurs, s’est ainsi maintenue – voire préservée dans l’essentiel de sa structure ! – jusqu’à nos jours, à travers les besoins de l’exploitation agricole.
[I] Rubremont, sur la commune de Bosc-Renoult en Ouche (27330).
[II] France Poulain, Avis ABF, 1er juin 2012, Evreux, Service territorial de l’Architecture et du Patrimoine : avis pour la restauration de l’église de Rubremont.
[III] Ibid.
[IV] Abbé Charles Guéry, Histoire de l’abbaye de Lyre, 1917, Imprimerie de l’Eure, Evreux, p.107. Louis VIII, roi de France, reconnaît « que Lyre en abandonnant l'usage dans la forêt de Breteuil s'est réservé ses hommes de Rubremont, qui sont quittes de panage pour leurs porcs, avec droits de pâturage de leurs bestiaux, de mort bois, etc. » (Charte de 1224 n°29).
[V] Etienne Patou, Famille de Crépon, 2004, s.l., avec en référence : Dictionnaire de la Noblesse (F. A. Aubert de La Chesnaye-Desbois, éd. 1775.
[VI] Commune de La Vieille-Lyre, 27330.